Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1983[1], le statut prévoit que les fonctionnaires peuvent, en cas de faute grave, être suspendus de l’exercice de leurs fonctions, avec maintien de leur rémunération, pour une durée maximale de 4 mois (sauf à ce qu’ils fassent l’objet de poursuites pénales, auquel cas la mesure de suspension peut être prolongée au-delà de ce délai, dans des conditions qui ont, depuis 1983, évolué).
Le décret du 15 février 1988[2] relatif aux agents contractuels territoriaux ne permettait pas aux collectivités, pour sa part, de suspendre les agents contractuels.
En l’absence de dispositions sur ce point, le juge administratif avait néanmoins reconnu aux collectivités le droit de suspendre leurs agents contractuels, dès lors que l’intérêt du service l’exigeait, et ce, en attendant qu’il soit statué disciplinairement sur leur situation. Une telle mesure pouvait être prise « même sans texte, dès lors que l’administration est en mesure de faire état, à l’encontre de l’agent, de griefs ayant un caractère de vraisemblance suffisant et permettant de présumer que ce dernier a commis une faute d’une certaine gravité »[3].
Néanmoins, en l’absence de dispositions règlementaires encadrant la suspension de fonctions des agents contractuels, les conditions de mises en œuvre d’une telle mesure demeuraient, en partie, incertaines.
Si le juge administratif avait eu l’occasion de préciser que la suspension de fonctions d’un agent contractuel induisait, en l’absence de service fait, et « sauf disposition contraire », la suspension du traitement de l’agent[4], un doute existait sur le point de savoir si la durée de la mesure de suspension était, à l’instar de celle des agents titulaires, limitée ou non à 4 mois.
Ces questions sont désormais réglées avec la publication du décret du 12 août 2022 modifiant les dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale[5].
Ce texte, qui apporte plusieurs modifications au décret du 15 février 1988, apporte des précisions importantes en matière disciplinaire.
Ainsi, tout d’abord, il définit, dans un nouvel article 36 A du décret du 15 février 1988, le régime de la suspension de fonctions des agents contractuels.
Désormais, les agents contractuels peuvent donc être suspendus de leurs fonctions, en cas de faute grave, ce qui est conforme aux règles issues de la jurisprudence.
Ces dispositions précisent par ailleurs que :
- La durée de la mesure de suspension ne peut pas excéder celle du contrat,
- La mesure de suspension ne doit pas excéder 4 mois, sauf si l’agent fait l’objet de poursuites pénales,
- L’agent suspendu conserve sa rémunération et les prestations familiales obligatoires,
- Si la mesure de suspension est, en raison de poursuites pénales, prolongée au-delà de 4 mois, l’agent peut subir une retenue qui ne peut pas être supérieure à la moitié de sa rémunération. Il perçoit cependant la totalité des suppléments pour charge de famille,
- Si l’agent, poursuivi pénalement, bénéficie d’un non-lieu, d’une relaxe, d’un acquittement ou d’une mise hors de cause, il doit être rétabli dans ses fonctions.
Si ces nouvelles dispositions devront, sur certains points, être interprétées par le juge administratif, elles apportent des clarifications utiles au régime de la suspension des agents contractuels et des garanties au bénéfice de ces agents (notamment s’agissant du maintien de la rémunération et de la limitation de la durée de la suspension).
Par ailleurs, par ce décret du 12 août 2022, le régime disciplinaire des agents contractuels est précisé et les règles applicables aux fonctionnaires sont reprises sur un autre point, celui du délai dans lequel peuvent être engagées les poursuites disciplinaires.
Ainsi, l’article 36 du décret du 15 février 1988 prévoit désormais que la procédure disciplinaire doit être engagée dans un délai de 3 ans à compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs.
Ce délai est interrompu, en cas de poursuites pénales, jusqu’à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d’acquittement, de relaxe ou de condamnation.
Enfin, le décret du 12 août 2022 apporte des modifications s’agissant des sanctions pouvant être infligées aux agents contractuels en distinguant les mesures d’exclusions temporaire de fonctions selon qu’elles soient d’une durée maximale de 3 jours, ou minimale de 4 jours.
Ainsi, seules les sanctions d’exclusion temporaire de fonction d’au moins 4 jours sont soumises à la consultation préalable de la Commission consultative paritaire, les sanctions d’exclusion portant sur une durée maximale de 3 jours étant désormais dispensées de cette formalité.
Le décret précise enfin les conditions d’inscription au dossier des agents, des sanctions :
- L’avertissement n’est pas inscrit au dossier,
- Le blâme et l’exclusion temporaire de fonctions d’une durée maximale de 3 jours sont effacés automatiquement à l’expiration d’un délai de 3 ans si aucune sanction n’est intervenue sur cette période,
- L’exclusion temporaire de fonctions d’une durée supérieure à 3 jours est inscrite au dossier et peut, après 10 ans de services effectifs à compter de la date de la sanction, être effacée du dossier à la demande de l’agent. L’administration ne peut refuser de faire droit à une telle demande que si une autre sanction est intervenue sur cette période de 10 ans.
Publié au Village de la justice, rubrique expert, le 01/09/2022
[1] Loi n°83-634 du 13 juillet 1983
[2] Décret n°88-145 du 15 février 1988
[3] CAA de Versailles, 3 octobre 2019, n°17VE02638
[4] CAA de Paris, 22 avril 2003, n°99PA01195
[5] Décret n°2022-1153 du 12 août 2022